Sur un tertre de béton, au milieu d'une plaine venteuse des bords du Var, un dr?le d'édifice était un jour sorti de terre. Fait d'acier, de ciment et recouvert d'une étrange cape grise soutenue par une structure d'acier et de bois, ce batiment avait la silhouette lisse et inquiétante d'un avion Airbus, d'un satellite ou peut-être aussi d'un accélérateur à particules. Son plan ne semblait pas reposer, comme tous les autres, sur une solide dalle de béton rendue à la longue dangereusement friable par la pluie noire qui s'abat parfois dans cette région ou le soleil acide qui y défait, centimètre après centimètre la moindre couleur trop vive, la moindre structure trop fragile. Comme les maquettes homéostatiques de Gaudi, ce batiment semblait plut?t accroché au ciel et se tenir droit devant nous, comme défiant ses visiteurs. "Ceci n'est pas un stade, prévenait une pancarte à l'entrée, c'est une foule qui retient son souffle". Jusqu'à la semaine dernière, quand on allait dans ce stade, il y avait toujours cette sensation étrange, ce léger trouble au moment de passer les premiers tourniquets, de voir au loin les premiers écrans au-dessus des tribunes. Tout ici était peut-être trop vaste,Tn Requin trop large, trop moderne presque trop propre. Ce n'est pas qu'ils ne l'aimaient pas ce stade, c'est plut?t que cette enceinte si contemporaine n'avait plus rien à voir avec celui qui abritait leurs mémoires. Imaginez un peu. Pour aller au Gym jusque-là, ils ne prenaient pas le bus, à peine la voiture. Ils remontaient à pied l'avenue Boriglione, puis l'avenue du Ray, longeaient le grillage à l'entrée du parking avant d'entrer dans cet édifice désuet comme dans un chantier permanent; jamais vraiment ouvert, jamais vraiment fermé. nike roshe run 8 Au loin, ils devinaient les collines de leur Parc Chambrun, les reliefs troués de leurs palais méditerranéens qui entourent la ville depuis le début du siècle d'avant. Assis dans la grande tribune, à Nice, on ne rêvait pas alors de stade multifonctions, "d'optimisation des performances basée sur l'analyse du cycle de vie" comme ce stade planté sur la plaine du Var (rebaptisée depuis "Ecovallée"); on rêvait plut?t au jour où l'on aurait enfin le droit d'allumer un fumigène sur l'un de ces balcons plongeant au-dessus de la pelouse du Ray et d'y chanter Nissa La Bella à l'entrée des joueurs, les poils hérissés et des larmes dans les yeux. Le rêve ce n'est pas d'être dans un stade comme dans son salon, mais plut?t d'être dans un salon comme on serait dans son stade. nike tn shoes Voir galerie . O la miéu bella Nissa / Regina de li flou nike roshe run yeezy gris homme Samedi dernier, il fallait conna?tre les paroles (en ni?ois) pour chanter l'hymne du comté. Il ne fallait pourtant pas être né ici pour y sentir tout à coup ce que la langue locale peut avoir de primitif et d'immédiat, la puissance qu'elle a à exprimer l'ame d'une terre. En dépit de sa proximité avec la frontière italienne, le Nissart ressemble davantage au catalan de Barcelone qu'à l'Italien de Gênes rappelant ainsi l'inscription du Comté dans la culture occitane. C'est un plaisir de ne pas le comprendre, de se laisser entourer par cette fine pellicule de mots, d'accents ronds, de sonorités rocailleuses et d'admirer le mépris complet qu'il affiche pour le parler pointu venu du Nord. à Nice, bien s?r, on sait parler le fran?ais de Paris, mais dans les écoles où l'on suit assid?ment des cours de patrimoine,Tn Homme on y apprend que le Nissart est la langue des élus de la terre, des héritiers de Nika?a, des grecs qui ont fondé cette cité. On y apprend l'italien, certes, parce qu'il faut bien un jour (par semaine) partir à l'étranger (y faire les courses). Mais on y répète surtout cet hymne merveilleux qui n'est ni du Verdi ni du Rouget de Lisle, dont la mélodie se trouve juste à la frontière - comme cette ville - entre le chant de guerre et la comptine populaire. On n'y parle ni de sang ni de femmes, seulement de la beauté des fleurs au printemps, des tuiles sur les toits de Nice, de son ciel d'azur. nike tn livraison rapideHatem est à l'écoute Samedi dernier, aucun des joueurs ne chanta l'hymne parce qu'ici c'est le public, debout et clairsemé, qui préfère s'en charger lui-même. Sur combien de terrains de France chante-t-on un hymne à la beauté de sa ville avant de jouer au football ? Ceux qui en doutaient en sont désormais certains. Ce culte déraisonnable pour l'observation contemplative de la nature flamboyante de la Méditerranée est sans doute le motif secret qui a convaincu Hatem Ben Arfa - à la surprise générale - d'enfiler le maillot rouge et noir. Tout bascula à la soixante-septième minute de ce match contre Caen, samedi dernier. Il était 21h21 quand les premiers soubresauts se firent sentir aux alentours d'une ligne de touche, à portée de défense, à l'intérieur d'un espace habituellement réservé aux passes en retrait et aux une-deux un peu faiblards. L'homme qui venait de demander le ballon au petit Koziello s'était avancé au moment de le recevoir. Il était le seul à savoir, quelques secondes avant tous les autres, ce qui bient?t allait se dérouler ici. Hatem tourna son corps tout entier vers le but et, la tête maintenant bien droite, la danse put commencer. Lors des premières foulées, on ne s'étonna guère. On attendait Hatem Ben Arfa depuis le mois de janvier et ce maudit transfert qui avait échoué. Des légendes racontaient qu'il ne jouerait jamais à l'Allianz Riviera, qu'il avait tellement grossi après ces longs mois sans compétition qu'il était désormais perdu pour le football. On raconta aussi que Claude Puel - qui n'avait pas été capable de convaincre Neal Maupay de lui obéir et condamné par conséquent au banc de touche après sa rébellion- serait bien impuissant devant Hatem Ben Arfa, l'éternel Judas du football fran?ais. En trahissant son talent, il avait trahi au même moment la DTN, Canal Plus, TF1, la FFF, l'OL, l'OM et tous ceux qui auraient été fier de faire de lui l'étendard de la formation à la fran?aise, le Gavroche de la sélection, le Messi fran?ais. Hatem avait gaché les plans de tous les adultes et contracté une dette avec un pays tout entier qui n'écoutait plus désormais qu'avec sarcasme la moindre de ses bonnes intentions. Il avait été la source dans sa jeunesse de rêveries intempestives, d'agacements répétés. Comme ces gamins qui jettent la nourriture au sol et préfèrent jouer plut?t que de l'ingurgiter docilement, Hatem avait été condamné pour toujours à manger seul à sa table.
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