vendredi 5 juin 2015

au deuxième étage d’un immeuble commercial désaffecté de Kuah

Balafre. Là, au deuxième étage d'un immeuble commercial désaffecté de Kuah, sur la route qui file vers l'aéroport, ils occupent une longue pièce rectangulaire aux fenêtres obscurcies et fermées. C'est une étuve, un entrep?t poussiéreux aux allures de remise. Pas de lits, pas de table, juste deux fauteuils crevés. Ils dorment en chien de fusil sur un bout de moquette élimé et des air max 90 essential solde,air max 90 femme taille 41,nike air max 41 draps étendus sur le béton brut. A même le sol, à c?té d'un réchaud, ils mangent en meute dans les vapeurs de poisson cuit et du cuiseur à riz. Une petite cloison les sépare de deux points d'eau sans lumière, pour les toilettes et la douche. Sur les murs court une corde entre deux clous. Serviettes, tee-shirts, longyi - le pantalon traditionnel birman - sèchent dans la moiteur de la nuit. Dans les coins, la petite troupe a entassé des ballots de plastiques. Le strict nécessaire d'un quotidien de misère. Ils vivent là depuis plusieurs semaines. Le dernier de la bande est arrivé il y a un mois. Pantalon rouge et polo blanc, Hussein Ahmad a 16?ans et un duvet naissant. Des prunelles sombres d'inquiétude et une balafre sur la pommette droite. C'est la cicatrice laissée par les coups de poing des trafiquants tha?landais. La peau air max 90 soldes,air max 90 femme suisse,nike air max 38 de sa main gauche est rapée, boursouflée. C'est la trace de leur matraque. ?J'étais en retard pour payer la somme que les Tha?landais me demandaient pour le passage, alors le leader m'a battu.? Hussein devait verser l'équivalent de 7 000?ringgit (1 750?euros) à ses ge?liers pour filer en Malaisie. Une fortune pour ce Rohingya de l'Etat Rakhine, issu d'une famille pauvre de 10?enfants. Traite. Quelques semaines plus t?t, des passeurs tha?landais avaient débarqué à Minbya, village ?à quatre heures de marche de Sittwe? (la capitale de l'Etat Rakhine), raconte Hussein. Ils promettaient bon salaire et vie meilleure en Malaisie. Du haut de ses 16?ans, Hussein a répondu présent par la force des choses. ?Notre village a été br?lé il y a plusieurs mois [en 2012, lors d'émeutes avec les bouddhistes, ndlr]. Il n'y a pas de travail. On est obligés de s'enfuir.? Il a été jeté sur un bateau, avant d'être débarqué ?dans un village au milieu de la jungle en Tha?lande?, dans l'un de ces camps que les trafiquants ont bati pour se livrer à la traite des réfugiés birmans et bangladais. Il raconte que tous les migrants étaient battus s'ils ne payaient pas vite, s'ils parlaient trop, s'ils se plaignaient. En fait, ce sont souvent les familles restées au village qui sont extorquées par des hommes de main. Une fois la ran?on versée, ces milliers d'anonymes sont envoyés tels des ballots de l'autre c?té de la frontière, en Malaisie. Ces neuf jeunes ont tous eu affaire à une filière tha?landaise qui a d? vite comprendre le bénéfice qu'elle pouvait tirer de ces hommes craintifs et menacés dans leur pays. Voilà Hussein, ouvrier robuste de 23?ans aux cheveux drus et aux biceps musculeux dans son tee-shirt bleu. Ce soir, il est l'un des rares à sourire un peu. Le besoin de se raconter l'emporte sur la peur de parler. Avec ses mots approximatifs et un peu de na?veté, il veut dire qu'il n'est rien ici. Il a pourtant choisi de venir en Malaisie dès qu'il a quitté son village. ?Ici, les gens sont gentils avec nous. C'est un pays musulman, on se sent en confiance,pas comme en Tha?lande où les bouddhistes nous ont battus.? Lui a quitté Minbya il y a quatre?ans, moyennant 6 000 ringgit (1 500 euros). Il a été parqué sur un bateau avec ?365?autres personnes. Les Tha?landais avaient rassemblé des gens de plusieurs villages. Il n'y avait pas assez de place, de nourriture, d'eau. Certains étaient malades, il y a eu 24?morts en quinze jours de traversée.? Il s'assombrit : ?J'ai perdu un ami. On jetait les corps dans la mer.? Son rafiot a croisé des cargos, des navires militaires, aucun ne leur a prêté attention, assure-t-il. Puis il est passé par une ge?le en Tha?lande, affamé et battu pendant un mois et demi, avant de rejoindre le ?paradis? malaisien. Il y a retrouvé son frère a?né, employé dans l'h?tellerie de Langkawi qui fait vivre cet archipel idyllique de la mer d'Andaman. Aujourd'hui, Hussein veut des papiers. Dans ce groupe, seul deux sur neuf ont la précieuse carte de réfugié de l'ONU qui, à défaut de leur donner tous les droits, leur confère un statut et un début de protection. Mohamad Jamel est le premier à l'avoir obtenu. Fine barbe éparse sous un calot brodé, cet homme calme a des allures de sage en dépit de ses 26?ans. Quand il parle, les autres se taisent, acquiescent souvent. Dans les courants d'air tiède du ventilateur, ils font corps autour de lui. Ce soir, Mohamad Jamel a l'air las. Il raconte son épopée sur les chemins de l'exode il y a dix?ans. Il est arrivé à pied en Malaisie. Pendant six mois, il a marché, flanqué de ?gardes tha?landais? qui lui ont extorqué 8 000 ringgit (2 000?euros) sans lui épargner les coups. Une fois en Malaisie, il a encha?né petits boulots et longs chantiers. Il dit que ?les Tha?landais vendent des gens?. Il y a six ans, il a demandé sa carte de réfugiés au bureau du Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) à Kuala Lumpur. Sans réponse, il a contacté un ?agent? qui, air max 90 soldes 2015,nike air max bw pas cher en france,nike air max tn blue pour 3 000 ringgit (750?euros), lui a obtenu le pass de l'ONU. Il n'est pas le premier Rohingya à raconter ce trafic. La Malaisie fait face à un afflux massif de réfugiés : plus de 150 000 ont demandé asile, dont 140 000 en provenance de Birmanie. Ces dernières années, la pression migratoire s'est accentuée sur Kuala Lumpur à cause du nettoyage ethnique en cours contre les Rohingyas dans l'ouest birman. Sésame. Mohammad Robil Ahmad a?fui les troubles en?2013. Il avait treize ans. Visage pointu, peau mate et pommettes hautes, c'est un gamin de peu de mots qui a grandi trop vite. Lui aussi, il a marché plusieurs semaines avant de finir son périple en voiture. Lui aussi, il s'est fait tabasser pour que ses proches déboursent 7 200 ringgits (1 800 euros). Puis il s'est fait prendre par la police malaisienne dans un squatt. Placé Nike Tn en centre de détention pendant un an, il a été libéré par le HCR, qui lui a octroyé le sésame de l'Onu. Il a rejoint son frère Sabri, de cinq ans son a?né, sans papiers. Ils sont c?te à c?te ce soir, le visage grave. ?Il faut qu'on se fasse arrêter par la police pour avoir la carte de réfugié , demande Hussein. Bien s?r, il ne le souhaite pas. S'il est enfermé, c'est autant d'argent qu'il ne pourra plus envoyer à sa famille, (125?euros mensuels). La petite troupe ne sait pas quoi faire, à part continuer à travailler. Il est bient?t minuit. Dans huit heures, le chantier d'une maison reprend. En partant, on jette un coup d'?il à la fenêtre. Pas de lumière, pas de trace de vie humaine. Les neuf jeunes de Minbya sont redevenus invisibles.

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